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Orla Barry
Profondément ancrée dans son activité de bergère et son troupeau de moutons de race Lleyndans sa ferme de Wexford en Irlande, l’œuvre d’Orla Barry propose une réflexion singulière sur les conditions de vie d’une « Bo-Peep punk » rebelle et féministe, subvertissant les stéréotypes genrés et les normes patriarcales qui façonnent les représentations de ce milieu, tantôt idéalisé tantôt invisibilisé. Attentive à l’économie des matériaux naturels utilisés dans son travail (laine, corne, feutre, bois) et aux gestes de la chaine opératoire qui sous-tend la production de ses œuvres, Orla Barry met en lumière les relations de solidarité, de confiance et de care qu’elle entretient au quotidien avec ses «espèces compagnes» mais également d’interdépendance avec des structures économiques (vente aux enchères, compétition) qui conditionnent leurs existences.
Cette exposition réunit une sélection d’œuvres d’Orla Barry, articulée autour de l’installation performative Spin Spin Scheherazade. Composée de divers modules, podiums, sculptures, d’une série de textes à la fois imprimés sur panneaux et diffusés sous une forme sonore, Spin Spin Scheherazade est activée à plusieurs reprises par la performeuse et collaboratrice de longue date Einat Tuchman. Plongée dans un récit mêlant autofiction, poèmes et anecdotes personnelles, le texte revient sur les situations, les obstacles et les dilemmes auxquels Orla Barry se confronte lorsqu’elle décide de se tourner vers une vie pastorale. Retraçant les différentes étapes du cycle de reproduction, de sélection et de vente des moutons et témoignant de la misogynie systémique au sein de cercles de sociabilité qu’elle côtoie, ces récits sont marqués par une sensibilité au monde singulière façonnée par une forme de mutualisme, que la philosophe Vinciane Despret et l’écologue Michel Meuret ont identifié comme vecteur d’apprentissages réciproques¹. À travers l’évocation de figures populaires (Shéhérazade, Rapunzel) et la polysémie d’un langage qui déjoue toute fixation sémantique, Orla Barry explore notre relation à la ruralité et ses cultures vernaculaires tout en interrogeant, avec humour, notre compréhension de ses réalités sociales, politiques et écologiques.
¹ Vinciane Despret et Michel Meuret, Composer avec les moutons. Lorsque les brebis apprennent à leurs bergers à leur apprendre, Avignon: Éditions Cardère, 2016.
Orla Barry
Orla Barry (Irlande, 1969) est à la fois artiste et bergère. Elle enseigne la sculpture et la performance à l’Institute of Technology de Carlow. Après avoir vécu pendant 16 ans à Bruxelles, elle décide de reprendre la ferme familiale dans la région rurale de Wexford où, parallèlement à son activité artistique, elle élève un troupeau de moutons de race Lleyn. Prenant la forme de performances et d’installations vidéo et sonores, son travail traite de la physicalité et de la poétique du langage oral en s’appuyant sur les correspondances et tensions entre sa condition d’artiste et le milieu agricole dans l’Irlande rurale. Se fondant sur des narrations non linéaires imprégnées de méthodologies de recherche proches de l’auto-ethnographie, ses œuvres s’intéressent à l’histoire et la sémantique de sa langue maternelle par une approche de l’écriture et de la parole qui vise à une compréhension physique et incarnée du langage en tant que forme visuelle.
Son travail a récemment été présenté dans le cadre d’expositions internationales, notamment au MAC’s Grand Hornu (2024), Mu.Zee à Ostende (2019), Quetzal Art Centre (2017), Mothers Tankstation (2014), Museu Bernardo à Lisbonne (2011), Irish Museum of Modern Art (2006), Camden Arts Centre à Londres (2005), W139 à Amsterdam (2005), S.M.A.K. à Gand (2005), à Argos (2002). Ses performances ont été présentées dans le cadre de Performatik 17 : The Brussels Biennial of Performance Art à Argos (2017), du WoWmen Festival KAAI (2020) ainsi que de Playground au M-Museum à Leuven (2019).
Performance « Spin Spin Scheherazade » à 19h
Performance avec Elinat Tuchman
Performance avec Elinat Tuchman