Sylvie Fanchon
QUEPUISJEFAIREPOURVOUS , 2022
Blanc de Meudon sur vitres
Phrases inscrites sur les vitres de Bétonsalon de mars 2021 à mars 2023
440 x 221 cm
Badigeonnées de blanc de Meudon, les quatre fenêtres à l’extrémité de la façade vitrée de Bétonsalon deviennent écran et surface picturale. Dix phrases énigmatiques, dans une police standard, ramassée, sans espace ni ponctuation, s’y dessinent en négatif. Elles se succèdent l’une après l’autre, remplacées par l’équipe du centre d’art au gré de leur usure. Œuvre de la peintre Sylvie Fanchon, ces courtes affirmations proviennent de Cortana, l’assistant personnel intelligent développé par Microsoft dans les années 2010, toujours utilisé bien que déjà obsolète.
Sur le ton de l’invitation, voire de l’injonction, sur le fil entre la politesse et l’insistance, Cortana tente d’engager la conversation (BONJOURSINOUSDISCUTIONS), de se rendre utile (JESUISLAPOURVOUSAIDERAVEZVOUSBESOINDEQUELQUECHOSE), prétend pouvoir améliorer notre productivité (JEPEUXVOUSAIDERAVOUSRAPPELERCEQUIESTIMPORTANTETBIENPLUSENCORE) et met en garde (VEUILLEZNINDIQUERAUCUNEINFORMATIONPERSONNELLE) ; ses limites se font néanmoins assez vite sentir (JESUISDESOLEEJENAIPASCOMPRIS).
Ce langage, simple et pourtant déjà inintelligible, correspond à une vision lisse et stéréotypée des relations qu’offrent les intelligences artificielles, pour lesquelles la collecte d’information, sous couvert de conseil et de serviabilité, est source de profit et instrument de pouvoir. Sylvie Fanchon, dont la pratique picturale se construit à partir d’éléments de langage et de culture visuelle existants, s’empare de Cortana, outil intrusif, dystopique mais comique, comme réservoir de motifs pour ses tableaux et ses interventions in situ.
Visibles depuis l’esplanade devant le centre d’art, suscitant interrogations et curiosité, les invitations de Cortana confrontent leur autorité apparente à la fragilité et à la transparence de leur support.
Texte de Mathilde Belouali-Dejean
© ADAGP, Paris, 2022 / Sylvie Fanchon. Photographie : Antonin Horquin
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