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L’indomptable Main
Hedwig Houben
15 mai — 26 juillet 2025
Depuis une quinzaine d’années, Hedwig Houben articule une réflexion sur la production dans un dialogue qui engage d’abord deux protagonistes : la figure de l’artiste et les sculptures qu’elle produit. Ce dialogue entre l’artiste, tantôt narratrice omnisciente, tantôt porte-parole pour les entités qu’elle façonne, se déploie lors de conférences-performances filmées puis diffusées à côté de sculptures dans des expositions. Elle a composé aujourd’hui à travers des formes maniables, en plasticine ou en plâtre, une vaste galerie de personnages doués d’identités transitionnelles. Ponctuellement, l’artiste laisse place à d’autres qu’elle-même – famille, étudiant·es, équipes des institutions, collectionneur·euses – pour jouer le rôle de guides-interprètes de son travail, livrant leurs perspectives expertes de personnes impliqué·es dans divers processus de fabrication, de transformation, de médiation ou d’entretien de ses œuvres. Comme souvent chez Hedwig Houben, cette exposition à Bétonsalon prend pour point de départ une expérience qui s’entremêle avec des récits de situations similaires et les concepts qu’elles charrient. Tout commence à l’occasion d’une prise de parole publique de l’artiste lors de laquelle sa main fut prise d’un tremblement soudain et incontrôlé. De ce dysfonctionnement manifeste, Hedwig Houben tire plusieurs conséquences, notamment la représentation d’une indépendance certaine des membres de son corps vis-à-vis de sa propre volonté, la manifestation d’un conflit ouvert. Elle observe aussi comment les réflexes, les émotions, les gestes sont beaucoup plus rapides que tout langage articulé et le devancent. De cette expérience physiologique, de ce rythme inversé, Hedwig Houben tire une réflexion plus large sur l’agentivité d’une main qui n’obéit pas aux intentions du sujet, le place dans une situation inconfortable. S’affranchissant de toute injonction à la sociabilité, à la productivité, la Main préfère l’improvisation et la divagation. Au-delà de l’inconfort généré par cette perte de contrôle, cette situation pose la question de la vulnérabilité réelle ou supposée de l’unité d’un soi, manifestant une scission par cette simple résistance d’un membre qui ne se conforme plus ni aux attentes d’un sujet ni aux conventions sociales. Bien que la Main soit un personnage récurrent dans les performances d’Hedwig Houben, elle acquiert ici une indépendance nouvelle : elle agit d’abord sous la forme d’une entité dotée d’une double personnalité, dont la dualité est mise en exergue par l’impossibilité de superposer les mains droite et gauche. Sous des formes massives et stables, deux mains tendues s’opposent, l’une palmaire, ouverte, creuse et serviable recueille et distribue, l’autre dorsale, également à plat mais pleine, n’est disponible pour personne. Celles qu’elle appelle la « Main polie » et la « Main rugueuse » sont deux faces d’une même main, la droite. Si la coordination entre les deux mains est généralement garante d’une bonne coopération, Hedwig Houben se plaît à défaire tout schéma corporel directif pour imaginer leurs conflits, l’une cherchant à prendre le dessus sur l’autre, l’autre ignorant la première. Dans ce scénario, la gaucherie est gage d’émancipation des habitus culturels qui entravent leur agentivité pour tendre vers une forme de désœuvrement régressif, d’abandon salvateur. Ailleurs, la Main se décompose en plusieurs doigts protubérants, figés sur des tiges extrasouples et équipées de caméras que l’on peut saisir pour pointer et filmer selon un point de vue non-optique. Avec ce dispositif visuel diffusant des interactions désordonnées d’images diffusées en direct, Hedwig Houben cherche à se décentrer du schéma narratif généré par la perspective d’une seule personne pour lui préférer la cacophonie visuelle d’une multitude incomplète, sans programme, spontané. Les enjeux d’interdépendances qui traversent cette exposition sont autant de questions qu’Hedwig Houben s’adresse à elle-même et plus largement à son statut d’artiste et de travailleuse polyactive, à ses dépendances et tentatives d’autonomie vis-à-vis du monde de l’art, ce même monde qui par ailleurs sait plaider des causes collectives tout en perpétuant l’atomisation des auteurices dans ses propres structures organisatrices. Sans chercher à résoudre théoriquement ces dilemmes communs à nombre d’artistes, cette exposition aurait plus pour fonction première de s’exercer à formuler ces questions, à leur trouver des formes partageables, publiques, à les fréquenter jusque dans leurs parts les plus irrésolues.
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