
à Bétonsalon - center d'art et de recherche
« Quand les fantômes parcourent Internet : mémoire cyborg, technologies et narration intime » – conférence de No Anger, artiste
« C’est le premier texte qu’elle a écrit sur son Personal Computer. Et donc, c’est un texte qui utilise complètement les plaisirs d’un texte qu’on peut ouvrir, et ré-ouvrir, et continuer à ouvrir, et réécrire, et copier, coller, recopier, recoller, changer, tourner. C’est un texte qui n’est pas linéaire, c’est le moins que l’on puisse dire… »
– Nathalie Magnan, à propos du Manifeste Cyborg de Donna Haraway.
Ces mots, tirés de l’émission Les Pénélopes diffusée en 1999, font remarquer avec justesse comment l’outil informatique modifie le rapport au texte et, in fine, les liens – jusque-là très peu pensés – entre écrit et machine, mémoire et technologies. Alors que le sens commun oppose la mémoire et la trace écrite (du côté du passé) aux machines et technologies (du côté de l’avenir), je proposerai de nuancer cette dichotomie en avançant que, depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à l’expansion d’Internet, le rapport à la mémoire ne peut se penser sans les machines : au centre des problématiques de la conservation, la diffusion, l’accès à la mémoire, la sélection, se trouvent questionnés 1) le rôle des machines dans la constitution d’un récit commun du passé ; 2) le façonnement et le contrôle social de cette mémoire, notamment par les médias ; 3) les résistances face à ce contrôle et la lutte pour d’autres mémoires. A partir du Fonds d’archives d’une Nathalie Magnan , activiste lesbienne, cyberféministe et tacticienne des médias, je tenterai de répondre à cette question : puisque notre mémoire est le fruit des technologies, sommes-nous déjà cyborgs ?
No Anger
À travers sa pratique artistique qui mêle vidéo, performance et écriture, No Anger interroge les modes d’expression et de monstration des corps. Inscrits dans un langage et un imaginaire communs, traversés par des rapports de domination, les mots et les images véhiculent une vision du monde qui légitime certaines réalités par rapport à d’autres, hiérarchisant les corps entre eux. No Anger vise à exprimer l’expérience de corps minorisés qui s’affranchissent de leur monstration hégémonique, tout en explorant la notion d’hybridité et les façons dont les prothèses machiniques, loin d’amplifier ou de remplacer les corps, peuvent ouvrir d’autres possibles de création. No Anger est unx artiste queer et crip. Depuis 2015, iel tient un blog intitulé À mon geste défendant, dans lequel iel développe, à partir des pensées féministes et queer et de sa propre expérience, une critique du validisme. En 2019, iel obtient un doctorat en sciences politiques à l’École Normale Supérieure de Lyon. A travers sa pratique artistique, qui mêle art vidéo, performance et écriture littéraire, iel interroge les modes d’expression et de monstration des corps qui, inscrits dans un langage et un imaginaire communs, sont traversés par des rapports de domination.
Cycle de conférence conçu par Clélia Barbut, en partenariat avec l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis et avec Bétonsalon – centre d’art de recherche.
