
BS n°40 – L’indomptable Main
Hedwig Houben
Comme souvent chez Hedwig Houben, cette exposition à Bétonsalon prend pour point de départ une expérience qui s’entremêle avec des récits de situations similaires et les concepts qu’elles charrient. Tout commence à l’occasion d’une prise de parole publique de l’artiste lors de laquelle sa main fut prise d’un tremblement soudain et incontrôlé. De ce dysfonctionnement manifeste, Hedwig Houben tire plusieurs conséquences, notamment la représentation d’une indépendance certaine des membres de son corps vis-à-vis de sa propre volonté, la manifestation d’un conflit ouvert. Elle observe aussi comment les réflexes, les émotions, les gestes sont beaucoup plus rapides que tout langage articulé et le devancent. De cette expérience physiologique, de ce rythme inversé, Hedwig Houben tire une réflexion plus large sur l’agentivité d’une main qui n’obéit pas aux intentions du sujet, le place dans une situation inconfortable. S’affranchissant de toute injonction à la sociabilité, à la productivité, la Main préfère l’improvisation et la divagation. Au-delà de l’inconfort généré par cette perte de contrôle, cette situation pose la question de la vulnérabilité réelle ou supposée de l’unité d’un soi, manifestant une scission par cette simple résistance d’un membre qui ne se conforme plus ni aux attentes d’un sujet ni aux conventions sociales.
Les enjeux d’interdépendances qui traversent cette exposition sont autant de questions qu’Hedwig Houben s’adresse à elle-même et plus largement à son statut d’artiste et de travailleuse polyactive, à ses dépendances et tentatives d’autonomie vis-à-vis du monde de l’art, ce même monde qui par ailleurs sait plaider des causes collectives tout en perpétuant l’atomisation des auteurices dans ses propres structures organisatrices. Sans chercher à résoudre théoriquement ces dilemmes communs à nombre d’artistes, cette exposition aurait plus pour fonction première de s’exercer à formuler ces questions, à leur trouver des formes partageables, publiques, à les fréquenter jusque dans leurs parts les plus irrésolues.
Cette exposition reçoit le soutien du Mondriaan Fonds et de l’ambassade des Pays-Bas à Paris, et CARADT – Centre of Applied Research for Art, Design and Technology aux Pays-Bas.
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