UIQ - A Space Oddity
VENDREDI 01 JUILLET / UIQ - A Space Oddity : une conférence performée par Silvia Maglioni & Graeme Thomson
: : 19h00 – 22h00
Après la publication en 1980 de Mille Plateaux, un ouvrage qui pour beaucoup marque le point culminant des aventures intellectuelles de Félix Guattari avec Gilles Deleuze, Guattari commence à travailler sur Un amour d’UIQ, un script pour un film de science-fiction. Initialement développé avec le réalisateur Robert Kramer, le script d’UIQ (Univers Infra-Quark) occupera Guattari sporadiquement pendant sept ans.
Influencé à la fois par son travail avec des psychotiques à la clinique La Borde et par son engagement avec la politique radicale, UIQ offre un modèle pour un cinéma ‘populaire’ subversif (Guattari avait l’ambition de faire un film à Hollywood avec Michael Phillips qui était alors le producteur de Spielberg) aux codes sémiotiques brouillés, aux affectes impersonnels et trans-personnels et aux devenirs minoritaires qui, si le film était produit, serait de la science-fiction pure.
Cependant, dans son désir de réaliser le film dans l’arène commerciale comme un blockbuster de science-fiction, Guattari voulait en réalité faire monter les enchères de son propre engagement politique, tentant de pénétrer dans la dream factory pour reconfigurer les modèles de désirs collectifs inconscients.
Dans cet essai audiovisuel, première étape d’un projet multiforme autour d’UIQ (qui inclura aussi une publication du script en collaboration avec la psychanalyste Isabelle Mangou), les artistes et réalisateurs Silvia Maglioni & Graeme Thomson examinent l’évolution du script d’UIQ dans le contexte d’une résurgence générale de l’intérêt pour la science-fiction à la fin des années 1970 et au début des années 1980. C’est autour de cette période que la science-fiction devient la toile de projection et de deuil pour les fantômes dispersés du désir révolutionnaire déçu, dans lequel l’altérité radicale d’un ‘en-dehors’ politique est de plus en plus projeté non plus au travers de l’imaginaire d’une lutte collective, mais en terme de rencontres avec des intelligences extra-terrestres et des forces de vie – rencontres qui sont configurées au sein d’un continuum qui court de l’interface à l’intercorps à l’intercerveau.
UIQ imagine une substance de vie infra-cellulaire hyper intelligente, capable tant de transmettre sa volonté naissante à travers de réseaux de communication globaux, que de se brancher aux ’machines désirantes’ précaires de la communauté des outsiders sociaux et psychologiques. Le film pourrait être considéré comme une réponse interbrane ‘moléculaire’ à une clôture imaginaire et idéologique qui commença à se répandre dans les années 1980, relayée par les esthétiques de la nostalgie postmoderne. Le film non réalisé de Guattari contient des implications intéressantes pour le cinéma comme pour les pratiques collectives dans sa manière de promettre de reconnecter les circuits dominants de spectacle et de la subjectivation.
En plaçant les échos du script inachevé en relation avec un montage de scènes de films de science-fiction de la même période – de Solaris et Stalker de Tarkovsky à Close Encounters et ET de Spielberg, en passant par Demon Seed, The State of Things, Blade Runner, Videodrome, Starman et d’autres encore – Maglioni & Thomson visent à isoler la singularité d’UIQ dans la dimension virtuelle de ce qu’il aurait pu être et de ce qu’il peut encore devenir.
À travers le script d’UIQ on peut voir, dans un mouvement qui diverge de l’étude philosophique monumentale de Deleuze sur le cinéma, Image mouvement/ image temps, l’émergence d’une théorie et d’une pragmatique indéterminée guattarienne pour un cinéma mineur. Bien que, ou peut-être parce que, le film n’ait jamais été fait, les éléments d’UIQ referont surface dans quelques-uns des concepts développés dans son dernier travail théorique majeur, Chaosmose, à la manière d’une pensée alien qui zigzague entre théorie et fabulation, science et fiction.
La conférence performée sera suivie d’une discussion avec Isabelle Mangou, Anjalika Sagar et Kodwo Eshun d’Otolith Group et Dork Zabunyan (sous réserve).
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